Serge Decugis | « La grande distribution s’est mise au pli »

Serge Decugis | "La grande distribution s'est mise au pli" | www.epicuriendusud.com

Embarqué sur le bateau de pêche de son grand-père dès l’âge de 12 ans, Serge Decugis est un enfant de la Méditerranée. Installé sur le port des Issambres (83), il fournit aujourd’hui en poisson certaines belles tables de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

L’homme aime à dire qu’il est « officiellement » pêcheur depuis 1979, année de ses 16 ans. Au fil du temps, il aura donc travaillé avec son grand-père, qui lui a tout appris,  son frère Christian (président du comité départemental des Pêches du Var), avant de devenir son propre patron. Nous sommes allés l’interroger sur son bateau.

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Épicurien du Sud : Pour vous, un autre destin aurait-il était possible ?

Serge Decugis  : Non pour moi c’était une évidence, j’ai toujours voulu faire ça. C’est d’ailleurs plus une passion qu’un métier, deux jours sans sortir en mer et je suis malade. Il faut que je sois sur l’eau !

On ne sait jamais quel sera le fruit de notre travail

EDS : Comment devient-on pêcheur en 2014 ?

S. D. : Contrairement à mon époque, aujourd’hui il faut aller à l’école, passer des diplômes. Ensuite il faut acheter un bateau avec une licence, du matériel, ce qui constitue un investissement important. Par contre certaines méthodes actuelles ne sont pas les bonnes, les plus jeunes respectent moins leur environnement de travail, les ressources naturelles, pour la recherche du plus gros profit. Je dis attention à la suite.

EDS : Ces ressources, cette Méditerranée vous l’avait vu changer en 30 ans ?

S. D. : Il y a effectivement des années où il y a plus ou moins de poissons, mais globalement ça ne bouge pas trop. Il faut travailler intelligemment, savoir changer de coin, ne pas faire de surpêche et respecter la saisonnalité qui est une réalité même dans la pêche.

EDS : Il y a beaucoup d’incertitude quand on part le matin en pêche…

S. D. : C’est ça la pêche. On ne sait jamais quel sera le fruit de notre travail, ni si l’on va gagner ou non sa vie. La météo joue un rôle important, c’est la mauvaise partie de ce boulot. Encore une fois c’est la passion qui compense toutes ces contraintes.

Si les consommateurs veulent se fournir chez les petits producteurs, il faut qu’ils changent leur façon de penser

EDS : Que pensez-vous de l’engouement autour des petits producteurs, des artisans du bon ?

S. D. : C’est tendance, maintenant tout le monde souhaite travailler avec les petits producteurs. C’est vrai que nous avons des produits qui sortent de l’ordinaire. La différence avec la pêche de masse est énorme en qualité. Vous l’avez vu ce matin les soles, les dorades, ça n’a rien à voir avec des produits achetés en supermarché qui viennent parfois de très loin. Et puis si les consommateurs veulent se fournir chez les petits producteurs et notamment la pêche locale, il faut qu’ils changent leur façon de penser. Il faut venir acheter du poisson et non un poisson en particulier, avec les agriculteurs c’est pareil.

EDS : Vous êtes d’ailleurs sollicités par la grande distribution…

S. D. : Oui et en plus ils se sont mis au pli. Avant c’est eux qui fixaient les règles, les prix, ce n’est plus le cas aujourd’hui. C’est notamment attrayant pour nous quand on a beaucoup de pêche.

EDS : Deux idées reçues, le poisson c’est cher et c’est difficile à cuisiner…

S. D. : Cher oui quand il s’agit de poissons avec la qualité que nous proposons. J’essaye de baisser les prix au maximum mais nous n’avons pas assez de quantité. C’est d’ailleurs ce qui nous sauvent par rapport à nos confrères bretons contraints de pêcher à outrance. Difficile à cuisiner non. Le poisson on le fait bouillir, on le fait frire, au four ou à la poêle, pas besoin d’artifices.

EDS : Si Serge Decugis n’était qu’un seul poisson ?

B. C. : Un chapon, c’est le roi.

Propos recueillis par Jeremy Capitano

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