Philippe Conticini | « Frôler la mort m’a aidé »

 

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Pionnier du renouveau de la pâtisserie française, Philippe CONTICINI est l’un des rares chefs-pâtissiers à avoir également un parcours salé de très haut niveau. Il invente en 1994 le principe des verrines qui transpose verticalement et en transparence des plats traditionnellement servis à l’assiette. Cette idée a depuis fait le tour du monde…

Après avoir obtenu de nombreuses récompenses et officié au sein d’établissements prestigieux (La Table d’Anvers, Peltier, Petrossian…), il est cofondateur et chef-pâtissier de la Pâtisserie des Rêves à Paris depuis sa création. Il a accepté de répondre aux questions dÉpicurien du Sud.

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Epicurien du Sud : Est-ce que vous auriez pu faire autre chose dans votre vie que cuisinier / pâtissier ?

Philippe Conticini : Déjà je fais de la cuisine comme je fais de la pâtisserie. Vous savez j’ai un passe partout c’est mon palais. Je vois mon métier comme quelque chose de très artistique, donc plus que de la finance j’aurai peut-être percé dans un domaine artistique.

EDS : La danse ? Vous avez été un excellent danseur…

P. C. :[Rire] Oui oui mais j’ai aujourd’hui quelques kilos de plus. Mais c’est vrai qu’entre 16 et 20 ans j’ai fait des concours de danse et j’en ai gagné trois, quatre, oui absolument.

Le mot goût est important mais le mot sensation l’est encore plus

EDS : Le mot goût est-il le meilleur pour vous définir ?

P. C. :Il y en a plusieurs mais oui celui la est très important. Le goût pour moi est un vrai moyen d’expression. Je l’ai découvert en 1986 quand j’ai ouvert le restaurant La Table d’Anvers avec mon frère. J’ai toujours été costaud et je ne l’ai pas toujours assumé. Mais quand les clients me parlaient de mes desserts, ils ne voyaient plus ma différence. J’ai pris conscience que je pouvez communiquer avec les gens au travers de la pâtisserie. Huit ans après en créant les verrines, j’ai compris en mettant la petite cuillères au fond de la verrine et en remontant tous les ingrédients dans l’ordre sur les papilles que j’arriverai à contrôler toutes les sensations que je souhaitai exprimer.  Donc le mot goût est important mais le mot sensation l’est encore plus. Ce que j’aime c’est ressentir et faire ressentir des sensations. Prouver que la cuisine est un art majeur, un art qui n’est pas du tout éphémère. Vingt ans après certains clients me parlent encore de goût qu’ils ont découvert à La Table d’Anvers.

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EDS : Vous percevez le côté groupie des fans de cuisine et de pâtisserie ?

P. C. : Oui mais déjà c’est le métier qui intéresse de plus en plus. Dans une école comme Ferrandi à Paris, mais c’est la même chose ailleurs, de 7000 apprentis par an ils sont passés à 12 000 en à peine trois ans. Les pâtissiers ont commencé à faire bouger la pâtisserie, les journalistes ont joué le jeu, la télévision également d’abord à l’étranger puis en France. Donc les pâtissiers se starisent un peu, beaucoup pour certain. C’est un phénomène qui crée des fans, enfin des gens qui aiment profondément ce que vous faites et parfois qui vous êtes.

J’ai passé plus de 20 mois à l’hôpital, j’ai bien failli décéder suite à une erreur médicale

EDS : Cela vous donne une obligation supplémentaire dans la transmission de votre savoir ?

P. C. : La réponse est oui, bien sûr. Moi je ne le perçoit pas comme une obligation, mais plus comme quelque chose de vital. Il y a quelques années j’ai passé plus de 20 mois à l’hôpital, j’ai bien failli décéder suite à une erreur médicale. Une malchance et une chance à la fois puisque ça m’a permis de changer ma vie. Cette expérience, en plus de mon parcours de cuisinier et pâtissier, me pousse chaque jour à transmettre. C’est également pour ça que j’ai accepté d’être l’an passé président du jury final du Championnat de France du dessert.

EDS : Vous vous êtes vous même déjà confronté à ce type de concours ?

P. C. : Non je n’ai jamais fait de concours. Mais l’on peut dire que j’ai fait un concours avec moi même. Il y a une vingtaine d’année, je me suis posé des questions sur le goût. Je me suis dit que chacun avait son goût. Est-ce qu’il vient de nos parents, de notre pays, tient si j’étais né au Japon est-ce que mangerai de la blanquette ou autre chose ? Si j’étais né dans un pays totalitaire est-ce que j’aurai eu le droit de mettre de la fleur de sel dans un croustillant au praliné ? En ce qui me concerne, c’est ma philosophie, je me suis dit c’est du conditionnement, donc j’ai tout repris à zéro et j’ai tout re-goûté.  Du salé au sucré, cru, cramé, cuit, trop cuit. Le cœur, le ris de veau, la cervelle, je les ai goûté à toutes les sauces pour savoir quel était mon goût à moi.

Je me suis constitué dans la tête ce que l’on peut appeler une gustatothèque

EDS : Il faut ensuite une sacrée mémoire…

P. C. : Oui vous avez tout à fait raison, c’est même capital. Au fil des années, je me suis constitué dans la tête ce que l’on peut appeler une gustatothèque. Aujourd’hui quand je fais un gâteau, je vais piocher dans tous ces goûts pour pouvoir mettre en oeuvre et pouvoir faire reproduire par les autres toutes les sensations recherchées.

EDS : Si Philippe Conticini n’était qu’un seul ingrédient ?

P. C. : La fleur de sel, j’en met partout, dans toute ma pâtisserie. Non pas pour la sentir mais parce que c’est un peu le sucre de ma vie.

Si Philippe Conticini n’était qu’un seul ustensile de cuisine ?

P. C. : La petite cuillère, ma petite cuillère. C’est le plus important pour moi il faut que je goûte tout et tout le temps.

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